Les biographies de Machiavel.
Il faut bien l’avouer, jusqu’à une date récente, les
biographies sur Machiavel n’avaient aucun intérêt historique ni philosophique.
De la romance de Prezzolini à celle de Heers, nous n’avions droit ni à la
rigueur historique (des erreurs de traduction des Ricordi du père de Machiavel donnaient des contresens
historiques…cf Ridolfi) ni à des questionnements philosophiques justifiant
l’intérêt historique.
En tant que personnage historique, la vie de
Machiavel est certes intéressante. L’homme fut à la pointe de l’action
politique de l’Europe occidentale pendant une bonne dizaine d’année, et il a
laissé par ses rapports et sa correspondance personnelle une source non
négligeable de renseignements. L’homme lui-même, en tant que fonctionnaire
important de
En tant que philosophe, le personnage de Machiavel a
toujours été sous-estimé. Souvent réduite au Prince, sa pensée n’a jamais été envisagée de manière globale,
comme étant issue d’une formation. Or lorsque Machiavel arrive au secrétariat
de
Tout d’abord, il faut statuer sur l’éducation de
Nicolas enfant. Est-elle courante ou assez exceptionnelle ? A ce sujet, il
faut souligner tout de même le fait que Nicolas dût montrer des dispositions
précoces pour faire ainsi tout le cursus, puisqu’un siècle auparavant seuls 6
pour cent des élèves faisaient l’ensemble du cursus, en supposant que les
mathématiques soient un passage obligé pour parvenir à la grammaire. En
était-il de même à l’époque de Machiavel ? On peut le supposer, puisque
les lettres de sa femme, de ses frères et de ses enfants montrent une aptitude
très limitée à une expression et à une syntaxe correctes. Etant aîné, Machiavel
fut-il privilégié ? Sans doute peut-on considérer qu’il montra de bonnes
dispositions qui rendirent possible l’investissement paternel dans une
éducation scolaire aussi complète.
Ensuite, il faut combler ce trou de dix ans qui béée
entre l’adolescence et la trentaine. Les hypothèses sont multiples, mais il ne
faut pas perdre de vue que pour intégrer la chancellerie florentine aussi jeune
et rédiger d’emblée des lettres avec autant de talent et d’autorité, on ne peut
pas se réfugier derrière le simple génie de l’auteur. Un travail de
vérification historique me semble donc s’imposer pour vérifier si Nicolas
Machiavel était inscrit à l’université de Florence dans ces années, ou dans une
autre université (quoi que cela soit peu probable étant donné qu’il n’en a
jamais fait mention par la suite), ou s’il a fréquenté des cercles politiques
et littéraires florentins, et lesquels. De même, on ignore aujourd’hui quels
sont les ouvrages que Machiavel a du lire comme étant
des manuels de politique et de gouvernement. En cela, je n’entends pas
seulement les classiques antiques, mais aussi les contemporains et les
prédécesseurs de Machiavel. Aucune étude historique sérieuse n’existe sur les
influences possibles et probables de la pensée du Florentin.
Ce problème historique me semble être le seul
véritablement intéressant aujourd’hui pour comprendre Machiavel. Certes,
certains débattent encore pour savoir les dates d’écriture du Prince et des Discours, mais cela me semble accessoire. Il va de soit que Machiavel
a travaillé sur les deux dans des moments très proches, voire se chevauchant,
et qu’il n’y a pas de solution de continuité entre les deux textes. Du fait de
l’importance de l’ignorance dans laquelle la formation de Machiavel reste
inscrite, et du fait des récentes études sur l’éducation dans le système
communal italien de la fin du Moyen-age et de
A mon sens, il est donc, aujourd’hui inutile à
l’historien, au philosophe comme à l’amateur de lire une des biographies en
français sur Machiavel. Par contre, le jour où un mécène acceptera de financer
un travail sérieux et approfondi, il fera œuvre utile, à moins qu’un étudiant
florentin n’ait déjà effectué le travail historique et que sa thèse ne dorme au
fond des armoires de nos universités.
Biographies consultées :
Guiseppe Prezzolini, Machiavel, Payot, 1985. (texte écrit en 1926, 60 ans pour avoir une traduction…)
Roberto Ridolfi, Machiavel, Fayard, 1960. (texte écrit vers 1953)
Jacques Heers, Machiavel, fayard, 1985.
Marie Gaille-Nikodimov, Machiavel, Tallandier, 2005.